mercredi 21 mars 2012

Ghost of Mars

You are ugly, but you are beautiful. Tars Tarkas (Willem Dafoe)
 

John Carter est un film qui ne se montre pas tout-à-fait à la hauteur, non de ses ambitions (on sent confusément que celles-ci ont été, sinon abandonnées, du moins largement revues à la baisse, quelque part en route dans le processus de fabrication), mais de ses potentialités. Du roman d'Edgar Rice Burroughs, A Princess of Mars, il y avait matière à tirer le Star Wars d'une nouvelle génération. La volonté et les moyens financiers étaient là, en témoignent les effets spéciaux et visuels de toute beauté, des magnifiques machines volantes aux Tharks dont on a spontanément envie d'écrire qu'ils paraissent... plus vrais que nature, en passant par les décors somptueux : c'est tout un monde que le réalisateur Andrew Stanton a reconstitué (pour ainsi dire) en conciliant de façon exemplaire vision d'ensemble et soin du détail. S'agissant d'un retour aux sources où Lucas, Cameron et bien d'autres se sont plus que largement abreuvés, le scénario ne nous entraînera pas sur des territoires aux allures résolument novatrices,  mais il n'en demeure pas moins assez efficace et il conviendrait, de surcroît, de souligner les bonnes idées de l'adaptation, aussi bien dans ce qu'elle élague (comme "l'usine atmosphérique" censée rendre possible la vie sur Mars : dans le film on se contentera de savoir, ou d'accepter, qu'il y a bien une atmosphère, et on n'en demande pas plus), dans ce qu'elle ajoute (l'introduction des Therns, issus du roman suivant du cycle, dont la présence en coulisse des jeux de pouvoir vient notamment donner une épaisseur à l'affrontement binaire entre Hélium et Zodanga), ou encore dans ce qu'elle conserve qu'on n'aurait pas forcément imaginé voire conservé (le récit-cadre, avec le topos du manuscrit trouvé ou, en l'occurrence, légué à Burroughs lui-même, qui prend ici les proportions d'un appel testamentaire des plus appréciables aux forces conjointes du sentiment et de l'imaginaire : "Take up a cause. Fall in love. Write a book."). Quant aux interprètes, s'il y aurait éventuellement matière, si l'on tient vraiment à faire la fine bouche, à critiquer la prestation, dans les rôles principaux, de Taylor Kitsch (John Carter) et, quoique dans une moindre mesure encore, Lynn Collins (Dejah Thoris), le supporting cast est, quant à lui, de toute beauté et pleinement convaincant. Alors ? Alors quelque part entre la préproduction chaotique et la postproduction sacrifiée, quelque chose s'est épuisé dans le projet de John Carter et il est difficile de ne pas ressentir que ce que l'on a sous les yeux n'est que le fantôme de ce que le film aurait pu, aurait dû, être. On se laisse porter par les évènements racontés comme par les ailes brillantes des vaisseaux, on admire la façon dont se mêlent western, péplum, et SF "old school" dont il n'est pas interdit d'apprécier le classicisme, et même la naïveté mais l'exaltation manque, sur l'écran (chez les acteurs, derrière la caméra, dans le montage à une ou deux heureuses exceptions près) comme dans la salle, et le regard devient celui porté, sans y prendre part, de l'extérieur, sur un bel objet, qui risque cependant d'être très vite oublié... comme sont sans nul doute déjà oubliées depuis longtemps, chez Disney, toutes velléités de poursuivre l'aventure avec les romans suivants. Alors que l'année s'annonce riche sur le front des blockbusters U.S., John Carter aurait pu faire date ; il ne fait que nous faire rêver, deux heures durant, hélas autant à ce qu'il nous montre qu'à ce qu'il échoue à nous faire partager.

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